Bretagne

Sur les traces des Saints bretons

Suivons Bernadette sur son parcours à la découverte d'aspects inédits et mystérieux de la Bretagne, qui fut, il faut le dire, à l'honneur cyclotouriste cette année : semaine fédérale, voyage vers la mer, et ici, à la rencontre de l'histoire locale.

Sur les traces des saints bretons

Entre mer et enclos paroissiaux

Juin 2002

"La Bretagne ? … au moins, c’est plat", nous dit Monique lorsque nous lui parlons de notre projet. Oui …bien sûr, sauf que Merlin l’Enchanteur et la fée Mélisande, cachés dans leur forêt de Brocéliande, l’ont parsemée d’une multitude de bosses qu’il est impossible de contourner. Jamais nous n’aurons aussi rapidement et aussi souvent manié les "tout-à-droite" ou "tout-à-gauche". Les Monts d’Arrée furent une petite promenade digestive comparée aux montagnes russes de la côte ! Mais comment leur en vouloir, lorsque l’on découvre ces merveilleuses églises, calvaires et abbayes à chaque détour de chemin. Et les jeux du soleil sur les ports et leurs bateaux font oublier la fatigue.


Bruit étrange

L’aventure, pourtant, commençait mal. Nous avions choisi de rejoindre Ploubalzanec, en voiture, nos deux vélos délicatement allongés derrière nos sièges. Tout se passait très bien, malgré l’étouffante chaleur et la distance, et nous devions "être dans les temps", lorsqu’un bruit sourd (pour le son, consulter "Les vacances de Monsieur Hulot" de Jacques Tati !) nous incita à nous arrêter sur la bande d’urgence où force nous fut de constater que le tuyau d’échappement traînait sur l’autoroute ! L’ingénieux dépanneur, apelé au secours, nous ficela tout cela avec un fil de fer et nous pûmes reprendre la route.

Premières découvertes

Mardi matin. Le départ cycliste est retardé par la nécessité de confier la voiture à un réparateur. Puis, Marc et Nicole nous indiquent une petite route près de la côte et tout de suite nous sommes séduits par le petit port de Loguivy. Déjà des petites bosses qui cassent les jambes et nous atteignons Lézardrieux et sa curieuse église voûtée alors que le soleil fait son apparition.

Toute la journée, nous allons ainsi monter et descendre des côtes raides et découvrir dans chaque petit village, ici, une chapelle, là, un calvaire, ailleurs une simple croix à la croisée des routes ou une de ces curieuses chaires de pierre sises devant un porche d’église. Un parfait exemple est celle de Pleubian.

Tréguier
, sa cathédrale, son cloître et ses vieilles rues nous enchantent, mais le temps nous manque pour tout visiter car Pierre veut absolument aller voir la Chapelle St-Gonéry à Plougrescant, qui est un véritable petit bijou avec ses fresques naïves, sa crédence du XVIe siècle où l’on conservait les archives de la paroisse, ses sablières du XVe aux monstres grimaçants et son clocher bizarrement penché.

L’histoire contemporaine est présente aussi, notamment à Croac’h Maoût, ancien fort dominant la mer qui servit de garnison aux Allemands pendant la dernière guerre et fut le théâtre d’évènements tragiques en 1944.

Il est tard quand nous atteignons Lannion, notre étape de ce soir, que nous visitons ‘by night’ !

Granit rose et enclos

Mercredi. Il ne fait pas chaud ce matin lorsque nous reprenons nos vélos, mais le soleil est là.

Malgré les kilomètres qui vont s’ajouter à notre parcours déjà long de ce jour, nous décidons de faire la partie de l’étape que nous avons du abandonner hier. Nous repartons vers Trégastel et la Côte de Granit Rose, avec ses gros rochers posés là par la nature pour le plus grand plaisir des yeux. Un arrêt à la Chapelle de la Clarté, et nous retournons à Lannion, car il n’y a pas de pont en aval pour traverser le Léguer.

Pas plus qu’hier, nous ne pourrons visiter l’église aux 140 marches, mais, en revanche nous découvrons une superbe église à Longuivy-les-Lannion, où nous nous arrêtons pour pique-niquer, complètement démoralisés par une côte dans laquelle même Bernadette, malgré son opiniâtreté, a du mettre pied à terre !

Chaque fois que cela est possible nous suivons la côte. Nous la quittons après St Michel-en-Grève et St Efflam, pour prendre la direction du sud-ouest et nous approcher de St-Thégonnec. L’enclos est malheureusement en travaux, et il n’est pas possible de visiter l’intérieur de l’église. Le lieu est cependant suffisamment majestueux pour attirer les visiteurs.

Il nous reste encore une quinzaine de kilomètres pour atteindre Lampaul-Guimiliau où nous avons prévu de passer la nuit et les vingt kilomètres supplémentaires de ce matin commencent à se faire sentir. Aussi, profitant des longues journées de juin, nous décidons de faire une pause dans une crêperie très accueillante et excellente.

Nous sommes un peu surpris et amusés par un individu qui souhaite prendre une photo de nous, parce que, dit-il, nos maillots cyclistes sont en parfaite harmonie avec la peinture exposée au-dessus de nos têtes ! Il nous indique, non seulement, l’endroit où expose ce peintre, mais aussi suggère quelques coins à ne pas manquer.

Enclos et châteaux

Jeudi. L’air est frais et sec ce matin et le soleil qui brille illumine les sculptures sur les façades des monuments des deux enclos paroissiaux que nous prenons le temps d’admirer ce matin.

L’ossuaire de Lampaul-Guimiliau est en travaux, mais nous visitons l’église – une des plus anciennes (1553) - avec sa poutre de gloire, une des plus belles de tous les enclos bretons, son baptistère polychrome, ses retables où il faut admirer la finesse du détail, sa pietà du XVIe siècle, sculptée dans un seul et même morceau de bois et sa mise au tombeau en pierre de Touraine. Sa tour-clocher, qui était une des plus hautes du Finistère (70 m.), a toujours fière allure malgré les 18 mètres amputés par la foudre en 1809.

Quelques kilomètres plus loin, et nous trouvons Guimiliau qui offre au fidèle une parfaite harmonie avec sa porte monumentale, son église, son calvaire et son ossuaire. Nous attendons le départ d’une horde d’Italiens bruyants pour écouter le silence à l’intérieur de cette église qui rappelle fortement celle de Lampaul. Nous avons du mal à quitter ces lieux tant ces monuments recèlent de richesses architecturales et sculpturales.

Nous prenons la direction du Nord, pour retrouver la côte. Aujourd’hui, comme tous ces jours-ci, nous roulerons à la boussole, car, s’il existe des multitudes de petites routes évitant les grandes départementales saturées, il est rare que les noms inscrits sur la carte correspondent à ceux indiqués sur le terrain !

Il est midi lorsque nous arrivons à St-Pol-de-Léon et les deux églises sont fermées. Il nous faut avancer, aussi sommes-nous un peu déçus de devoir renoncer à une visite des intérieurs. Nous nous consolons en mangeant notre pique-nique du jour tout en contemplant les bateaux dans le petit port de Roscoff. Une mouette vient parader devant nous, certaine que nous lui laisserons quelque relief de repas – une photo s’impose avec un bateau en arrière-plan … las … un touriste passant par là détruit le beau tableau !

Le temps est en train de changer, et il commence à faire frisquet et gris.

Après le château de Kérouzéré, nous rejoignons Cléder par une petite route et, voulant encore éviter la D10 très fréquentée, nous enquêtons auprès d’une bande de jeunes adolescents qui, ravis d’être consultés, nous proposent quelques directions contradictoires, jusqu’à ce qu’une petite brunette impose silence à tout le monde et nous donne des indications très précises avec force autorité. Grâce à elle, nous arrivons à Plouescat où nous nous précipitons dans un café pour prendre ….. un chocolat chaud !

L’accueil dans la ferme laitière, à Kernilis, est très chaleureux. L’hôtesse nous a préparé (à nous et à deux couples suisse et belge) un " Kig ha farz " délicieux, tandis que son mari, tout en la secondant, nous entretient sur sa ferme et les grandes tendances agricoles de l’instant.

Côte des légendes

Vendredi. L’étape d’aujourd’hui devait être courte, car nous étions attendus chez des amis le soir. Mais, après avoir visité le Folgoët, Pierre émet le souhait de passer par St-Méen et Bernadette insiste pour aller voir le mythique Phare de la Vierge, alors que le vent du sud-ouest s’est levé et nous empêche de progresser le long des découpes de la côte.

Finalement, nous arrivons dans le pays de légende des " abers " et la descente le long de l’Aber Vrac’h, la traversée du pont et la remontée sur la rive gauche nous offrent des vues superbes malgré le petit crachin breton qui commence à tomber.

Retour vers les enclos

Samedi. Le crachin a disparu, mais le temps, ce matin, est gris et humide. Philippe, notre hôte, nous montre la route du littoral et, après lui avoir fait nos adieux, nous reprenons nos montures pour suivre de nouveau la côte jusqu’au port de l’Aber Wrac’h. Après Lannilis, nous obliquons sur Plouvien où nous découvrons une superbe petite chapelle, la Chapelle Saint Jaoua, véritable bijou du XIIe siècle, qui demande encore beaucoup de travaux de rénovation.

Aberwrach

A St Divy, deux curieux petits personnages semblent s’en donner à cœur joie sur le fronton du porche, et, laissant l’énigme à leur sculpteur, nous nous lançons dans la longue descente vers Landerneau, ville qui mériterait plus que le petit coup d’œil rapide que nous lui donnons, plus préoccupés que nous sommes de trouver des nourritures terrestres dans un restaurant sympathique qui nous change de l’habituel pique-nique froid !

Il nous reste trois enclos paroissiaux à voir avant l’étape du soir : La Martyre (le plus ancien des enclos), Sizun et Commana. Malgré leur beauté, nous avons plus de mal à nous enthousiasmer car, sous ce ciel maussade, la pierre grise des monuments nous les fait paraître un peu tristes. Pourtant, là aussi, les sculptures sont recherchées, les églises pieusement décorées, les enclos merveilleusement équilibrés, avec, cependant, un élément incongru à Sizun et à Commana : le monument aux morts érigé à l’intérieur de l’enclos !

Reprenant notre marche à la boussole et comptant les douloureux kilomètres qu’il nous reste à parcourir, nous arrivons enfin, après des montagnes russes dont nous nous serions bien volontiers passés ce soir, à Lhandéric, vieille maison construite sur et avec le rocher, près de Plounéour-Menez.

 

Le petit train

Dimanche. Journée qui commencera et finira avec le soleil, mais dans l’après-midi, nous serons contents de pouvoir accumuler quelques épaisseurs sur le dos avec le très fort vent du nord-ouest qui nous malmène un peu .

En revanche, en ce dimanche de juin, les routes sont beaucoup moins fréquentées et nous n’aurons pas à craindre pour notre vie chaque fois que nous empruntons une route à grande circulation. Avec le parfum ( !) caractéristique de la campagne bretonne, ce seront les deux réserves que nous mettrons au plaisir d’une randonnée cycliste en Bretagne du Nord, pays où l’on n’a jamais fini de découvrir de nouveaux sites.

Encore aujourd’hui, nous irons de l’Abbaye du Relec, sise au fond d’un vallon verdoyant, au petit train de Carhaix-Plouger, dans lequel nous montons nos vélos jusqu’à Guingamp , puis, en remontant sur Paimpol, nous passerons, à Lanleff, près d’un "temple" en ruines, en réalité une église du XIe/XIIe siècle dédiée à la Vierge, construite sur le modèle de la chapelle du Saint Sépulcre à Jérusalem, véritable petite merveille.

Encore quelques routes pentues, et nous sommes de retour à Ploubalzanec, où nous attendent Marc et Nicole.

Mais ce n’est pas tout à fait la fin de notre parcours touristique, puisque, à la tombée de la nuit, nous nous rendons à l’Abbaye de Beauport pour y assister au spectacle monté à l’occasion des 800 ans d’histoire de cet édifice.

La semaine est bouclée, les vélos reprennent leur position couchée, le soleil est revenu franchement, et le long périple de retour jusqu’à Chambéry commence. Le compteur voiture marque plus de 2000 kilomètres et le compteur vélo …502 …et des joyaux plein les yeux.


Bernadette Pace-Roux

 

L'année de la Bretagne

Bien d'autres Cyclos ont visité la Bretagne en 2002 :

Un groupe venu visiter la région en juillet (évocation dans notre rubrique "d'une saison à l'autre"),

une trentaine de Cyclos du Club, au milieu de 12000 autres, participant à la Semaine fédérale de Quimper, du 4 au 11 août. Tant sur la route qu'en VTT,

sans oublier Bernard Rosa-Brusin, qui a rallié la Bretagne, au départ de Chambéry, sur son vélo,

et Philippe Vallet, plus au sud, en "ratissage" de BPF, au départ de Piriac-sur-Mer.

Quelle région sera "privilégiée" en 2003 ?!

 

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