Le Tour du Mont-Blanc

29 – 30 - 31 août 2002


Premier jour

Aujourd’hui, c’est sous un soleil timide et dans une ambiance plutôt fraîche pour la saison que nous allons nous élancer sur les quelques 340 kilomètres d’un parcours prometteur.

Deux vélos (Patrick et Fabien) et une voiture (Rose) sont au départ. Nous sommes fin août et les trois jours qui arrivent s’inscrivent pour moi dans une semaine de vacances qui devait servir entre autres à concrétiser ce projet 2002.

Mais revenons à nos moutons. Ou plutôt à nos biches, celle que nous allons pouvoir admirer quelques instants dans les tout premiers hectomètres de la montée du col des Saisies. On peut dire que cela commence bien.

En pédalant, je me souviens ici de mon premier brevet des Aravis, où avec quelques cyclos de Reims-Bezannes, j’avais eu l’occasion de me frotter à ce magnifique col. A la différence près que nous étions alors partis d’Albertville.

Aujourd’hui, c’est à Beaufort que nous avons donné nos premiers coups de pédales.

En haut du col, Rose va pouvoir prendre en photo son cher et tendre époux en ma compagnie, devant le panneau du premier des 6 que nous avons à franchir. Ce sera un rituel auquel nous nous plierons avec plaisir tout au long de notre petit périple.

Une (fraîche) descente plus tard, nous sommes en route pour Megève. La route est large et circulée. Et pour cause, nous sommes sur la N212 !

Il faudra de toutes façons nous habituer à ces conditions de trafic car beaucoup de routes empruntées par le tour du Mont Blanc vont ressembler à celle-là.

Alors, tranquillement, nous progressons. En attendant l’accalmie.

Mais alors que je commence à ruminer contre le vacarme des voitures, c’est un coup de fusil qui va me faire sursauter. Je me retourne. Pour voir Patrick s’arrêter d’un seul coup. " J’ai crevé ! ". En réalité, il a fait mieux que crever puisque son pneu est tout simplement hors d’usage. Que faire alors ? Sinon espérer que nous trouvions à Megève de quoi nous dépanner.

Une bonne heure plus tard, après avoir fini par dégotter peut-être le seul pneu qui était en vente dans cette petite ville presque entièrement vouée au ski, aux sports de glisse ou de montagne, nous réussirons à repartir. Cap cette fois-ci vers Saint-Gervais.

Saint-Gervais-les-Bains exactement où nous allons pouvoir assister à un drôle de spectacle.

Drôle de spectacle que celui de ces voitures à la queue leu leu qui paralysent la traversée de la ville. Si nous pouvons nous faufiler au milieu de ces tas de ferraille, nous avons une pensée pour Rose qui risque fort de coincer en essayant de traverser ce capharnaüm.

Pour ce qui nous concerne, le cauchemar devrait prendre fin grâce à cette petite route en balcon surplombant l’impressionnant ouvrage qui supporte la RN205.

Une belle rampe nous permet ici de piquer une bonne suée avant que les choses se calment un peu. Nous voici maintenant les cyclos les plus heureux du monde, débarrassés des voitures que nous regardons tout au loin survoler la vallée de l’Arve, et surtout admiratifs du paysage qui se découvre à nous.

Car c’est ici que, enfin, nous allons apercevoir notre cher Mont Blanc.

Nous aurons tout le loisir de l’admirer à Servoz où Rose va nous rattraper avec le pique-nique. Ici, une table et des bancs nous tendent les bras : l’endroit est donc tout trouvé pour que nous observions notre pause déjeuner.

L’estomac rempli, c’est une séance de digestion difficile qui va nous être proposée. Car en traversant cette fameuse RN205, nous allons trouver une petite route où Michelin a été bien inspiré de faire figurer deux chevrons à plusieurs reprises.

Ouf ! les Houches, ça se mérite ! Tout comme Chamonix d’ailleurs qui nous oblige à couper cette maudite RN205, moins de 5 kilomètres avant le tristement célèbre tunnel du Mont Blanc.

Chamonix et son plan de circulation à nous faire perdre notre sens de l’orientation mais aussi très bien fait pour que nous ne voyions rien de la ville.

Aussi, on se consolera à Argentières où j’aurai la grande satisfaction de finir la province de Savoie en BPF. C’est ma tournée ! " Que prends-tu Patrick ? Pour moi, ce sera un Orangina ! "

Ce petit remontant ne sera pas un luxe au vu de ce qui nous attend. Le col des Montets d’abord. Pas très long mais suffisant pour que nous éprouvions le besoin de souffler un bon coup avant de basculer.

Puis le col de la Forclaz dont l’ascension commence sitôt passée la frontière franco-suisse. Un col qui va nous sembler interminable et où l’on pourra parler de coup de chaleur. Cette fois-ci, nous profiterons un peu plus encore de cet arrêt en faisant traîner un peu la séance de photos…

Mais si ce col vaut pour sa montée, il faut avouer que la descente vaut aussi son pesant d’or. Ver-ti-gi-neuse ! Sur une route comme seul les Suisses savent nous en faire, nous allons dégringoler à vive allure sur Martigny et la vallée du Rhône. Chacun va essayer de battre son record de vitesse au milieu des coteaux. Nous regretterons que ces minutes de jouissance soient passées trop vite.

A l’entrée de Martigny, nous regardons la route et notre montre. Pour nous rendre à l’évidence. Il est un peu tard pour nous lancer dans l’ascension du Grand Saint-Bernard. Et puis avons nous les forces suffisantes pour que cela soit réellement un plaisir ? J’en doute. Patrick aussi. Et notre seule envie maintenant se résume en deux mots : douche et hôtel.

Il nous faudra bien sûr trouver le deuxième pour pouvoir apprécier le premier. Ce qui ne sera pas de la tarte.

Les prix (que nous calculons en passant du franc suisse en Euro avant de le recalculer en francs français) nous hérissent les cheveux. Mais nous serons sauvés par un camping proposant à un tarif abordable la possibilité de dormir dans du dur.

Deuxième jour

Mauvaise surprise en nous levant ce matin : la grisaille enveloppe le ciel et nous fait redouter le pire. La météo nous jouerait-elle un mauvais tour ?

Nous allons vite le savoir car en grimpant, il sera possible de faire des pronostics valables.

Cette montée justement. Parlons-en.

Rien d’affolant pendant de longs kilomètres de faux-plats où nous regardons camions et voitures nous doubler. Puis nous regardons aussi ce cyclo nous doubler, dans Sembrancher. Patrick me pousse à ne pas rester là " sans broncher à Sembrancher " ! Et m’envoie au casse-pipes.

25 km/h, presque 30. Je m’amuse à rester cramponné à la roue de ce cyclo qui boit des trucs fluos. Mais je me fatigue aussi et me dis qu’au bout de 5 kilomètres, ça devrait suffire pour moi. Je tiendrai 7 bornes avant de m’arrêter, en face du village d’Orsières, pour attendre Patrick.

Bon, maintenant que j’ai les jambes en compote, il va falloir que je finisse cette ascension qui n’a pas vraiment commencé. Dur !

Pour ceux qui connaissent, c’est assez tranquille jusqu’au tunnel. Puis cela se gâte un peu ensuite. Un peu plus de 500 mètres à prendre en 6 kilomètres. C’est du costaud.

Alors évidemment, dans ces cas là, mieux vaut s’armer de patience et se concentrer sur le paysage. Et nous sommes plutôt vernis de ce côté là. Les derniers nuages qui nous avaient fait si peur ce matin ont laissé place à un franc soleil.

Un si beau soleil que je ne résisterai pas à la tentation d’aller me rafraîchir la figure et les idées dans ce petit ruisseau qui me nargue depuis un moment déjà.

Patrick a filé et je finirai debout sur les pédales, à l’arraché dans les derniers lacets.

Après avoir bien transpiré, nous allons maintenant bien grelotter. Le temps de laisser passer tout un peloton de jeunes coursiers qui eux aussi font le tour du Mont Blanc, mais sans pointer les BPF.

Libérés, nous pourrons enfin rentrer en Italie et filer dans cette descente dont nous attendons qu’elle nous offre un joli spectacle.

Et nous ne serons pas déçus ! Chose rare, je m’arrête dans une descente pour prendre des photos, c’est dire si le spectacle est à la hauteur. Entre autres, nous n’oublierons jamais ce viaduc où nous voyons la route du tunnel retrouver celle du col à Saint-Léonard. Impressionnant !

Peut-être éblouis par tant d’images, nous allons alors réussir à nous perdre de vue dans cette belle descente vers Aoste et sa vallée.

Mais à l’entrée d’Aoste, où nous nous sommes donnés rendez-vous, je vais retrouver Patrick.

Sauf que Patrick a disparu. A moins que ce ne soit moi ? Normalement non car j’ai bien retrouvé Rose. C’est grand Aoste. Il y fait chaud, beaucoup de monde aussi. Mais pas de Patrick visible.

Nous attendons, nous " visitons ". La ville bien sûr et ses administrations aussi. Les carabiniers et même les urgences. Nous bâtissons des hypothèses, établissons des scénarios. Nous interrogeons et nous nous interrogeons. Une, deux, trois heures,… Mon vélo est maintenant accroché à la voiture, nous remonterons le parcours, jusqu’à Pré-Saint-Didier. Patrick a disparu. Nous sommes dans la quatrième dimension. La nuit tombe désormais. Une nouvelle fois les carabiniers. Une dernière fois en fait car miracle : on a retrouvé Patrick !

Cap sur Pré-Saint-Didier, dans le village cette-fois-ci. Patrick nous y attend, avec une trentaine de kilomètres en plus.

Troisième jour 

Une grosse pizza, le sourire d’une jolie demoiselle italienne et un hôtel pour le moins confortable nous ont permis d’oublier les péripéties de la veille.

Reste seulement pour moi à gommer mon retard de 30 kilomètres sur Patrick.

On me ramène donc où l’aventure s’était arrêtée pour moi hier : Aoste.

Et c’est parti ! Je remonte la vallée. Festival de photos pendant les premiers kilomètres. Festival de voitures aussi mais cela reste supportable. J’aime pas bien ces tunnels par contre. J’en ai compté 6 pourtant. Qui ne m’ont pas trop posé de problèmes heureusement.

Et le Mont Blanc ? Il a une drôle de tête ici. Je le préfère côté français.

Mais la route du Petit Saint-Bernard, en revanche, je la préfère de loin côté italien. C’est un billard. A en oublier de passer le petit plateau !

Même après la Thuile où enfin, je vais prendre un petit déjeuner…

Ça roule ça roule, trop facile décidément ce petit Saint-Bernard ! Et me voici au sommet, déjà. Patrick est arrivé peu avant moi, nous voici donc réunis pour la sacro-sainte photo. Mais pourquoi fait-il toujours aussi froid en haut des cols ?

Et puis qu’est-ce que c’est que cette grisaille qui menace maintenant notre fin de parcours ?

Pas de blague, hein ? On veut rentrer au sec.

La descente sur Bourg-Saint-Maurice est toujours aussi inconfortable. Vive la France ! Outre le fait qu’il faille pédaler contre le vent, nous devons en effet constamment éviter les fissures, voire les mini crevasses à droite de la route. On saute, ça secoue un peu. Suffisamment pour que j’en aie mal au dos en arrivant à Bourg-Saint-Maurice, moi qui ne suis pas coutumier du fait.

Le moment est donc bienvenu de partager notre dernier pique-nique. Il fait encore assez beau. Alors qu’on en profite.

Et lorsque nous remonterons en selle à l’assaut du Cormet de Roselend, ce sera en priant pour que nos craintes concernant la météo ne se confirment pas.

Pas vraiment du gâteau ce Cormet. Une petite route étroite offrant de surprenants raidillons, suivis de portions en faux-plats : pas idéal pour trouver son rythme.

Surtout quand on s’entête à ne pas mettre le petit !

Mais cela se fait bien, surtout quand il s’agit de la dernière difficulté.

Dernière photo ? Volontiers, mais vite car cette fois-ci, la menace de pluie semble devenir de plus en plus proche de nous ! Il va donc falloir ne pas traîner dans la descente.

Malheureusement, nous ne pourrons pas éviter les gouttes. La faute à qui ? A pas de chance…

Car après qu’une petite fille ait failli faire tomber Patrick, nous serons stoppés dans notre élan par des coursiers qui font le Tour du Mont Blanc dans le sens inverse, sans pointer les BPF…

Encore eux ? Ben oui… Va falloir attendre que ces messieurs passent, suivis pas ces maudits nuages décidés à se vider maintenant.

Mais peu importe, c’est juste de l’eau. Et puis nous sommes presque arrivés.

Beaufort. C’est fini. Les vélos sont accrochés. Les premiers coups de tonnerre grondent. Il était moins une ! On ne va donc pas se plaindre.

Moi, ce soir, j’espère bien dormir. Demain, j’inaugure le mois de septembre à Walibi. Pas de vélo un dimanche, ça me changera, mais il va falloir quand même être en forme…

Fabien Savouroux


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