
Voyage itinérant
du 9 au 16 juillet
de Belfort à Belfort
Un jour de mai, alors que nous
grimpions le col de la Madeleine, un cyclo en quête d'horizons
nouveaux me demanda " Alors Chantal, quand organises-tu un nouveau
voyage ? ". A vrai dire, depuis quelques temps, l'idée de
visiter les Vosges puis de traverser la forêt Noire avait germé.
J'en parlais à Catherine qui, depuis toujours, m'aide dans les
tâches d'organisation et de comptabilité. Le temps passa
et l'organisation du voyage se confirma. Il fallut prendre les contacts,
concevoir les itinéraires réserver les hébergements,
travail méticuleux de lecture de carte, recherche des curiosités,
prises en compte des besoins du groupe
La barrière de la
langue ne fut pas aisée à franchir. Heureusement, Charline
en bonne germaniste se chargea des traductions et négocia les
différentes propositions des hôteliers allemands. Voilà
pourquoi de fil en aiguille, nous nous retrouvâmes treize valeureux
cyclistes à nous engager dans un périple franco-allemand.
Le départ est fixé le samedi 8 juillet à 7 heures
30 en direction de Valdoie près de Belfort. Après un voyage
rapide de quelques heures dans un véhicule climatisé,
nous sommes arrivés à notre hôtel où nous
prenons possession de nos chambres. Michelle n'est pas en forme : elle
est fiévreuse et souffre de maux de tête. Elle décide
de consulter un médecin. Pendant ce temps, quelques uns se dégourdissent
les jambes autour de l'hôtel. D'autres enfourchent les vélos
et vont à la découverte du magnifique lion, symbole de
Belfort et de son passé militaire. Depuis les remparts de la
citadelle, nous apercevons au loin les Vosges qui nous attendent!! Nous
retrouvons Michelle. Nous sommes soulagés; dans quelques jours,
elle pourra reprendre son vélo et partager nos découvertes
vélocipédiques.
Dimanche
9 juillet
8 heures 30, nos mollets sont fébriles. Le périple débute
par une rude journée : 120 kilomètres et plus de 2000
mètres de dénivelé. Nous prenons la route du Ballon
d'Alsace. Il fait frais, l'humeur est bonne. La route suit un vallon
ombragé et s'élève lentement. Le groupe s'allonge,
chacun grimpe à son
allure.
Nous atteignons le sommet avant de replonger sur Thann et la plaine
d'Alsace. Gravir le ballon d'Alsace à quelques heures de la finale
de la coupe du monde est un rendez-vous peu banal avec l'esprit sportif.
Partout flottent des drapeaux tricolores et résonnent les cornes
de brumes. Notre route entame alors les premiers lacets qui mènent
aux crêtes. Nous faisons une halte chargée d'émotion
au Vieil Armand et sa nécropole nationale où l'on retrouve
le souvenir des chasseurs alpins qui ont combattu pendant la première
guerre mondiale. Il faut maintenant atteindre le Grand Ballon à
1424 mètres. Des champs de lis martagon accaparent l'attention
des cyclos botanistes du groupe. Deux petits cols se succèdent
et la route déroule son ruban comme un gigantesque toboggan.
Nous rejoignons bientôt la ferme auberge terme de la première
étape. Elle est située près du Honneck, un joli
sommet vosgien à 1100 mètres d'altitude. Le repas du soir
est délicieux. Nous succombons avec délice à la
tarte aux trois fromages qui réconforte une troupe harassée
et affamée. " Et le foot ? ", me direz-vous ! Perdus
en plein alpage vosgien, comment assister à la finale? Pour nous
satisfaire, le patron a déroulé une rallonge et a installé
une télé face à notre table. Nous regardons tous
le début du match. Les pessimistes aux paupières lourdes
vont se coucher à la mi-temps. Les acharnés restent jusqu'à
la fin et subissent, en compagnie de notre aimable serveuse, l'épreuve
des tirs au but. Malheureusement, les deux Ballons escaladés
dans la journée n'ont pas porté chance à notre
équipe. Un lourd silence s'abattat sur le grand dortoir, terrain
de nos désillusions.
Lundi
10 juillet
8 heures 30, tout le monde est prêt, les corps sont reposés.
Nous quittons notre itinéraire sur la route des crêtes.
Quel plaisir de passer autant de cols en
descente!
Le parcours est plus facile aujourd'hui : la principale visite sera
celle du château du Haut-Königsbourg. Après un pique-nique
à l'ombre de la futaie, nous gravissons les deux kilomètres
qui nous séparent de notre but. Nous arrivons devant ce magnifique
édifice de grès rose qui surplombe le vignoble et la plaine
d'Alsace. A l'ombre d'arbres centenaires, certains d'entre nous choisissent
de se rafraîchir et de se reposer. D'autres entament la visite
de la forteresse restaurée à une période où
l'Alsace vivait à l'heure allemande. Du promontoire, la vue est
superbe. A notre retour nous reprenons le cours de notre voyage. La
route serpente entre les vignes puis dans les champs de maïs. La
plaine d'Alsace a également succombé à la politique
européenne qui noie la campagne sous des hectares de maïs.
Au détour d'une route nous découvrons étonnés
une magnifique église coiffée de deux bulbes. En visitant
cet édifice, un concert impromptu d'orgues nous transporte étonnés
et ravis, dans l'univers sonore de l'époque baroque. Diebolsheim
n'est plus qu'à quelques kilomètres, nous y arrivons sans
tarder. Chacun prend possession de sa chambre pour deux nuits. Ce soir
nous mangerons au restaurant.
Mardi
11 juillet
Au matin, nous reprenons la direction des Vosges. Nous quittons l'ambiance
surchauffée du grenier à maïs alsacien pour nous
hisser une dernière fois sur les sommets arrondis du vieux massif
cristallin. La contrée est sauvage, le réseau routier
peu dense. Nous pénétrons au cur des Vosges à
la recherche du sinistre Struthof. Nous nous perdons dans un paysage
d'épicéas, de routes forestières au fort pourcentage,
d'alpages et de rares habitations. Bernard, notre chauffeur ravitailleur
pisteur arrive à nous débusquer et à soulager nos
estomacs malmenés. Tout au long de notre aventure, il n'aura
point de cesse d'être fidèle aux nombreux rendez-vous que
nous lui fixons. La bonne direction enfin retrouvée, nous dévalons
les quelques kilomètres qui nous séparent de notre but
: le Struthof, unique camp d'extermination nazi situé en territoire
français. Le site est poignant. Il a échappé à
l'emprise du temps. La mémoire se fait vive et chacun communie
avec ce lieu de souffrance. Il faut reprendre nos bicyclettes et s'affranchir
des derniers reliefs pour atteindre le Mont Saint Odile, important centre
spirituel dédié à la patronne de l'Alsace. Là,
nous replongeons dans la foule bigarrée des touristes. Nous retrouvons
peu après notre gîte pour y passer une deuxième
nuit. Claude Girard nous attend. En cyclo attentionné et prévoyant,
il a déjà mis l'eau pétillante au frais. Il arrive
de l'AIT d'Yverdon et se rend à Prague. Il roulera trois jours
avec nous. Le soir, nous goûtons au Bäkerhof, cette spécialité
alsacienne dans laquelle mijotent viande pommes de terres et légumes.
Mercredi
12 juillet
Nach Deutschland L'Allemagne nous attend. Le Rhin est franchi sur un
bac en aval de Strasbourg. Défilent les premiers kilomètres
version allemande. Il s'agit le plus souvent de pistes cyclables et
de routes de digue qui facilitent notre acclimatation. Offenburg se
profile. C'est une ville importante et cela m'inquiète un peu.
Heureusement la traversée et la circulation y sont largement
favorisées. En suivant une succession de pistes, bandes, trottoirs
cyclables, nous débouchons sans encombres à l'autre bout
de la ville. Au cours de cet itinéraire citadin, le respect des
automobilistes allemands à l'égard des cyclistes nous
surprend et nous laisse admiratifs. Nous allons bientôt découvrir
la forêt Noire, sur jumelle des Vosges. Le temps est à
l'orage, des nuées sombres s'accrochent aux sommet ; la forêt
Noire n'a jamais si bien porté son nom. La route offre un asphalte
parfait mais l'inclinaison est importante. Les passages à 12
pour cent sont nombreux et nous courbons l'échine pour ne pas
nous cogner aux lourds nuages menaçants. Nous rejoignons ici
la route touristique nommée Schwarzwaldhochstrasse ", haute
route de la forêt Noire. C'est une large route en balcon. Elle
est très usitée et un trafic constant nous contraint à
beaucoup de vigilance et restreint nos observations. Nous logeons à
5 kilomètres de Freudenstadt dans un petit village. Le lieu n'est
pas évident à trouver. Notre chauffeur s'égare
à cause des mauvaises informations fournies par l'Office de tourisme.
Il faut dire aussi que c'est le premier jour en Allemagne. Heureusement,
tout rentre dans l'ordre et nous prenons possession de nos chambres
dans un superbe hôtel allemand. Le repas du soir est pantagruélique.
La table est surchargée et notre premier contact avec la gastronomie
d'outre-Rhin nous ravit.
Jeudi
13 juillet
Après une nuit réparatrice dans le calme et la fraîcheur,
nous affrontons un copieux petit déjeuner sous l'il averti
de notre hôtesse. Charcuterie, fromage, céréales,
pains variés complètent le fondement
traditionnel
de la collation matinale. Lestés, surprotéinés,
nous prenons la direction d'Albstadt en suivant des petites routes calmes
ou des pistes cyclables le long de belles rivières. Après
le repas, nous retrouvons Reinold un cyclo d'Albstadt venu à
notre rencontre. Poisson pilote, il nous guide dans notre approche et
nous permet d'aborder la ville d'Albstadt en évitant les grands
axes. A notre gîte nous sommes rejoint par Hans et notre joyeux
groupe de cyclos passe un bon moment devant une bière. Nous profiterons
de leur présence toute la soirée et Paul Albertin, en
germaniste autodidacte peut mettre en pratique toutes ses qualités
d'interprète et d'orateur.
Vendredi
14 juillet
Pour nous aujourd'hui, ni bal, ni feu d'artifice mais vélo. Nos
amis cyclistes d'Albstadt arrivent et déjeunent avec nous au
gîte. Ils nous ont apporté le pain, les charcuteries, le
fromage et les confitures maison. Nous découvrons des saveurs
nouvelles: groseille à maquereau, prune sureau
Claude se
prépare à poursuivre son voyage en solitaire cap à
l'est. Nous lui souhaitons bon vent (dans le dos de préférence)
et nous reprenons notre périple sans oublier de poser devant
le panneau célébrant le jumelage et l'amitié entre
nos deux villes. Nous rejoignons le Danube et suivons le Donau Rad Veg
( piste cyclble du Danube). C'est une succession de pistes et de chemins
cyclables le long d'un Danube encore sauvage. L'itinéraire est
vraiment très agréable. Nous croisons beaucoup de cyclos
allemands dignes représentants de la lignée baladeuse
et contemplative. Le vélo en Allemagne c'est un art de vivre
et un moyen de locomotion. Le " morgen " (bonjour Allemand)
fuse de toutes parts et nous éprouvons avec satisfaction le sentiment
d'être intégrés et acceptés parmi cette population
pédalante. A midi, nous sommes à Beuron près d'un
magnifique pont couvert sur le Danube. C'est un ancien lieu de passage
menant au monastère proche. Nous avons à peine le temps
de finir notre pique-nique qu'un orage éclate. Nous nous abritons
tous sous la couverture du pont millénaire et terminons notre
repas pélerins comblés sur les rives du plus grand fleuve
d'Europe. Il faut repartir car la route est encore longue. La piste
est détrempée par l'orage. Très vite, les vélos
sont maculés de sable fin. Un grand nettoyage de bicyclettes
s'imposera ce soir à l'étape. En quittant le Danube, nous
retrouvons l'asphalte et la circulation.
Plus question de musarder et de rêver. Les kilomètres s'enchaînent,
l'allure est soutenue et de petits pelotons se forment. La route s'élève
peu à peu et nous retrouvons les contreforts de la Forêt-Noire.
A Bonnedorf, charmante petite ville, nous faisons étape à
l'auberge de jeunesse, grosse et belle bâtisse située non
loin du centre. Là, une nouvelle surprise nous attend. A la suite
d'un mal entendu dans nos courrier, aucun repas n'est prévu pour
nous ce soir! Heureusement la réceptionniste, (une française
expatriée en Allemagne) nous donne l'adresse d'une pizzeria où
nous fêtons l'Europe gustative en cette soirée du 14 juillet.
Samedi
15 juillet
Nous entamons notre deuxième traversée de la Forêt-Noire.
Cette fois-ci, nous découvrons la partie méridionale du
vieux massif sur son axe Est Ouest. L'environnement est toujours aussi
magnifique. Une succession de forêts, de parcelles cultivées
est ponctuée par de petits villages bien ordonnés : façades
blanches, toits à forte pente, jardins entourés de barrières
en bois, routes sinueuses et insouciantes et des vélos, encore
des vélos
L'Allemagne romantique nous ravit. L'Allemagne
respectueuse de son environnement nous étonne : les capteurs
solaires équipent la plupart des maisons. Nous gravissons un
des seuls cols signalé sur la carte. Sans nul doute, le cycliste
allemand n'est pas porté sur la recherche forcenée de
cols pour enrichir un palmarès surchargé en dénivelés
et en pourcentages. Notre progression reprend en direction de Kandern
et de son AJ. Où se trouve-t-elle? Sur la carte, elle semble
située bien avant la ville. L'adresse ne nous éclaire
pas et nous investissons en toute sérénité la ville
à sa recherche après avoir dévalé un petit
col. Renseignements pris, notre lieu d'hébergement nous attend
mais il faut revenir sur nos pas et retrouver quelques virages plus
haut notre auberge de jeunesse que nous avions superbement ignorée.
Notre dernière nuitée allemande se déroule dans
un cadre charmant. Nous sommes accompagnés de jeunes cavaliers
qui partagent les tâches ménagères dans un esprit
de camaraderie. L'amitié franco-allemande peut très bien
s'exprimer à partir d'un torchon à vaisselle et d'un service
de plonge.
Dimanche
16 juillet
Notre voyage s'achève aujourd'hui. Nous parcourons les derniers
kilomètres en
Allemagne
puis retrouvons notre sol natal sans l'ombre d'un poste de douane ou
d'un képi menaçant. Notre retour dominical en France est
marqué par une traversée aisée de Mulhouse et par
une agréable promenade tout au long du canal du Rhône au
Rhin qui nous ramène aux portes de Belfort. Notre périple
s'achève. Il restera encore quelques heures de voiture pour retrouver
Chambéry. Puis viendra le temps des souvenirs pour revivre la
découverte gémellaire de deux massifs, de deux villes
et de deux pays.
